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Carnets d'automne
9 avril 2012

La Patagonie de Bruce Chatwin

Le monstrueux projet hydroéléctrique chilien, dit projet HidroAysen, sera donc réalisé, sauf ultimes tentatives des opposants, ainsi en a décidé la Cour Suprême du Chili par trois voix contre deux. Cinq barrages sur les rivières Chacabuco et Rio Bravo, 2000km de câbles à haute tension soutenus par des milliers de piliers de 70m de hauteur, vont défigurer à jamais un des plus beaux et des plus sauvages paysages au monde: celui de la Patagonie chilienne. La Patagonie, c'est en 1971 que je l'ai découverte; comme bien des jeunes Européens de l'époque, j'avais décidé de découvrir sur place la révolution socialiste de Salvador Allende, mon intention était de m'installer dans ce lointain pays du cône sud pour de longues années, le coup d'état de Pinochet en décida autrement, mais j'eus l'occasion durant mon long séjour, non seulement de partager la révolution d'un peuple qui voulait prendre en main son destin au milieu d'un continent encore soumis à de nombreuses dictatures, mais aussi de découvrir un pays aux paysages d'une grande beauté, encore intacts, car respectés par une population qui tenait à ses traditions. Avant de quitter l'Europe, et afin de me préparer à cette rencontre, je consultai nombre d'ouvrages, et parmi ceux-ci, peut-être celui qui m'a marqué le plus, En Patagonie, de Bruce Chatwin. Je fus, dès ma première lecture, car il y en eut plusieurs, fasciné par ce texte qui rendait hommage à une nature et à des paysages d'une sublime beauté. Bruce Chatwin lui-même, sorte d'ange blond aux yeux bleus, que je ne pouvais m'empêcher d'associer au poète Byron, son compatriote, m'apparaissait en personnage romantique à la Chateaubriand, chantre d'une nature encore vierge, qu'il peuplait d'êtres de chair dont il contait les aventures avec un sens inné de la narration, que ce fussent des Araucans, descendants des premiers habitants de la région, ou des Galllois, émigrés au XIXème siècle ou encore des Allemands blonds qu'on s'étonne d'y rencontrer au plus profond d'un fjord isolé du monde, et qui semblent y être là depuis toujours, sans avoir le moins du monde abandonné leurs traditions germaniques.

                                                Bruce Chatwin

On a, à ce propos, parfois accusé Chatwin d'avoir imaginé ou modifié ces dialogues avec les Patagoniens, ce qui est une accusation absurde, car il faut préférer le talent à la vérité, et jamais personne ne reprochera à Chateaubriand les libertés qu'il a prises avec l'histoire, qu'elle fût celle de la France ou la sienne. L'essentiel c'est que Chatwin est parvenu à nous faire aimer la Patagonie, cette lointaine province, tellement belle et tellement ignorée jusqu'à l'avènement d'un Pinochet qui, dans un but militaire, la brada aux grandes multinationales. Peu importe son destin futur, la Patagonie restera toujours, grâce à Chatwin, fût-ce dans nos souvenirs ou dans notre imagination, un monde merveilleux, celui dont Jean-Jacques Rousseau rêvait dans sa recherche d'un monde parfait, celui du bon sauvage. Si je parle de Chatwin aujourd'hui, c'est que vient de sortir en librairie sa correspondance, sous le titre La sagesse du nomade. Je l'attends, car je l'ai commandée chez mon libraire, et il en sera sûrement question lors d'un prochain papier.

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