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Carnets d'automne
26 avril 2012

Paul Claudel et le jeu de fléchettes!

Ah! que je l'ai détesté Claudel, son Partage de midi, ou son Annonce faite à Marie, que notre professeur de littérature française en dernière année de ce qu'on appelait encore les "Humanités", le brave père ***, nous imposait et faisait traîner tout un trimestre, alors que nous attendions avec impatience Proust et Gide qui nous échapperaient, et ce à mon plus grand dam! Je le détestais tellement, lui, ce grand bourgeois, ambassadeur de France, châtelain de Brangues et grand défenseur de la Foi, qu'ayant emprunté à la salle de jeu du collège où j'étais interne quelques éléments d'un jeu de fléchettes, le soir, dans ma chambre, je m'amusais à lancer celles-ci sur un portrait de Claudel que j'avais punaisé sur le mur, en guise de vengeance pour m'avoir fermé les portes de La Recherche et de l'Immoraliste. J'avais horreur de son côté missionnaire et prophète - aujourd'hui j'aime à me rappeler ce qu'a écrit Cioran sur les prophètes: " Les prophètes d'aujourd'hui seront les bourreaux de demain". -  , obsédé par la conversion de ses collègues en écriture, Gide en tête. Qu'il m'a agacé avec cette histoire de "conversion au pied d'un pilier de Notre-Dame"!

                                                       Paul Claudel   

                            

Bien des années plus tard, ce devait être en 1987, Antoine Vitez mit en scène Le soulier de satin en version intégrale. Un spectacle d'une durée de plus de 12 heures, si mes souvenirs sont exacts, auquel je n'ai pas assisté, mais dont j'ai vu des extraits à la télé, et qui m'a littéralement fasciné. J'étais subjugué par cette pièce énorme, d'une somptuosité et d'une beauté de langage exceptionnelles, Dona Prouhèze, un des personnages-clé de cette pièce, est restée dans ma mémoire comme une sorte d'icône de tout le théâtre du XXième siècle. Si je n'étais pas réconcilié avec l'homme Claudel, je l'étais avec son oeuvre théâtrale, hélas peu jouée aujourd'hui. Si je parle de Claudel, c'est pour deux raisons: d'abord parce que j'ai tout récemment lu le journal de Paul Morand, qui détestait Claudel, tout en l'admirant, et qui en parle beaucoup dans ses souvenirs, ce qui a réveillé les miens; ensuite, c'est parce que je viens de lire un essai de Claudel sur la peinture, L'oeil écoute, dans lequel Claudel, dans un langage qui a sans doute  vieilli, pour autant qu'on puisse dire qu'un bon style vieillisse, nous fait découvrir la peinture avec une sensibilité aux paysages, à la nature, aux couleurs, aux regards, tout à fait étonnante, avec une sensualité plus éclairante que bien des ouvrages savants. Son chapitre consacré à la peinture hollandaise, entre autres aux oeuvres de Rembrandt et de Vermeer, est passionnant! Son regard sur la peinture et sur la musique décoiffe parfois par sa vision très personnelle, peu soucieuse de l'histoire de l'art traditionnelle, ce qui le rend d'autant plus intéressant et plus étonnant. C'est une histoire de l'art par un amateur passionné et passionnant.

" L'oeil écoute" Paul Claudel  FOLIO ESSAIS

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