"Atala", de Chateaubriand

Atala - le roman fit partie du Génie du christianisme jusqu'en 1805, lorsqu'il fut édité séparément - connut un énorme succès lors de sa parution, au point qu'il fit des Funérailles d'Atala, tableau peint par Girodet, que Louis XVIII acheta pour le Louvre, où il se trouve encore aujourd'hui, un tableau mondialement célèbre. Pour qu'un roman obtienne l'approbation unanime du public des lecteurs, il faut qu'il parût à un moment où ceux-ci l'attendaient, parce qu'il est de son temps, parce qu'il répond aux attentes de l'époque. Or, en 1801, après dix années de révolution et de terreur, les Français aspiraient au calme, à la paix, et, alors même que Napoléon signait un concordat avec Rome, à reprendre le chemin des églises et à s'émouvoir à une histoire d'amour dans laquelle ils retrouvaient, par son exotisme, une échappatoire aux maux du temps. Atala, le premier grand roman du romantisme littéraire, le seul roman de Chateaubriand, influencé par la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau qui le précède de cinquante ans, répondait à ces attentes. Le trait de génie de son auteur, c'est d'avoir fixé le décor de son roman dans une Amérique qui, pour la majorité des Français, constituait encore, malgré l'aide qu'ils apportèrent aux insurgés Américains lors de leur révolte contre les Anglais, un territoire inconnu, chargé de mystère, qui les remplissait d'une immense nostalgie au souvenir de cette "Nouvelle France" que le désastreux traité de 1763 leur enleva au bénéfice des Anglais ( Le roman débute par cette phrase très significative: La France possédait autrefois dans l'Amérique septentrionale, un vaste empire qui s'étendait depuis le Labrador jusqu'aux Florides, et depuis les rivages de l'Atlantique jusqu'aux lacs les plus reculés du haut Canada"). Charcas, le héros indien du roman, de la tribu des Natchez, sorte de citoyen du monde à l'image du narrateur des Lettres persanes de Montesquieu, y raconte à René, jeune aventurier français, son amour malheureux pour Atala, la jeune vierge convertie au catholicisme qui a juré à sa mère mourante de ne jamais se marier et qui, fidèle à son serment, se donnera la mort pour ne pas céder à son amour pour Charcas. Cette histoire sur fond de martyr chrétien se déroule dans une Amérique encore vierge, territoire immense, d'une nature opulente, qui ne pouvait qu'exciter l'imagination des lecteurs, car Chateaubriand, qui fit un voyage en Amérique en 1791, le décrit avec la richesse d'imagination et d'écriture qui est la sienne. Aujourd'hui encore, à l'âge du "village global" qu'est devenue notre terre, ce récit, par la grandeur de sa vision d'une nature épanouie et vierge, dans toute sa sublime beauté, fascine comme il fascinait les contemporains de son auteur, et il devrait fasciner plus encore les lecteurs Américains d'aujourd'hui qui y découvriront leur Amérique d'avant l'industrialisation, peut-être avec un brin de nostalgie! Atala, oeuvre de jeunesse de Chateaubriand, par l'élégance de son écriture, qui en fait sans doute le plus beau moment de la langue française, annonce les Mémoires d'outre-tombe, le chef-d'oeuvre absolu du Chateaubriand de la maturité. Le lecteur d'aujourd'hui, moins sensible qu'hier aux vertus chrétiennes prônées dans le roman, mais passionné par l'état de notre planète, qui voit de jour en jour disparaître ses paysages naturels, plongera avec délices dans ces paysages d'une stupéfiante beauté, sorte de Paradis Terrestre d'avant la Chute! Dans un autre domaine de l'art, la peinture, ce sont les toiles du Douanier Rousseau qu'évoque ce roman étrange et fascinant.

     Les funérailles d'Atala  Girodet                   

   Le rêve  Douanier Rousseau

"Atala - René - Les aventures du dernier Abencérage "   Chateaubriand  GF Flammarion 4,80€