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Carnets d'automne
11 janvier 2013

André Gide vu par Pierre Herbart

pierre herbart1

"Trahison"! C'est ainsi que nombre de familiers et d'admirateurs de Gide accueillirent l'essai de Pierre Herbart, A la recherche d'André Gide, publié quelques mois après la mort de l'auteur de L'immoraliste. Mais qui donc était Pierre Herbart? Un dandy, bel homme, nomade comme Gide, doté d'un réel talent d'écrivain, fantasque, paresseux, prodigue avec l'argent des autres, anarchiste, un homme qui ne pouvait qu'attirer Gide par son côté libertaire. Il eut une longue liaison avec Elisabeth van Rysselberghe, celle-là même qui eut un enfant de Gide, avant de devenir le compagnon de voyage de l'écrivain. Ce fut lui qui entraîna Gide dans un voyage en U.R.S.S., pour ensuite devenir une sorte de valet de pied de Gide qui ne pouvait plus se passer d'un bon organisateur pour ses nombreux voyages et séjours à l'étranger. Herbart fut un parmi les amis de Gide à lui rester fidèle jusqu'à sa mort, puisqu'il fut un des rares privilégiés à assister à ses derniers moments. Alors pourquoi ce jugement particulièrement sévère sur Gide dans cet essai qui concerne plus l'homme que l'oeuvre. Herbart donne le ton dès les premières lignes: "Nous nous connaissions bien...C'est pour cela sans doute qu'en dépit de mes efforts je n'ai pu obtenir de ma plume nulle contribution aux hommages qui lui ont été consacrés." (1) Nous voilà avertis: l'auteur portera sur l'homme un jugement sans concession. Et de révéler dès les premières pages ce qu'il appelle " le Sésame ouvre-toi" de Gide: "La peur de décevoir et d'être déçu, la peur d'être déçu-décevant"(2) qui explique cette timidité de Gide face à ses contradicteurs, face à l'Histoire, qu'il ne permet pas de le décevoir, d'où cette sensation d'hésitations, d'allers et retours, de reniements, de lâcheté qu'il provoque chez ses contemporains. "Premier effet de la crainte de décevoir et d'être déçu: le manque de virilité" (3), Gide a peur de déplaire, il recherche l'approbation d'autrui, ce qui " ne le prédispose guère à assumer" (4). Gide fut aussi, toujours selon Herbart, un égoïste; "Impressions, lectures, choses et êtres sont classés, jugés en fonction d'un seul critère: l'utilité!" (5). Mais c'est évidemment dans sa relation avec Madeleine que Gide se montre sous un jour peu favorable qui mérite la sévérité d'Herbart. Pour justifier son mariage blanc, Gide se forgea une théorie de relations humaines "sur mesure": il était incapable de lier dans l'amour le corps et l'esprit, c'était l'un ou l'autre chez un même être: le coeur dans sa relation avec son épouse, le désir dans celle qui le lia à Ali et à bien d'autres jeunes garçons; comme le dit Herbart: " Pour se masquer une certaine pauvreté du coeur et parce qu'il n'accepte pas naturellement les impératifs de l'amour, il lui faudra échafauder une théorie où le coeur et les sens n'auront pas partie liée". (6) Il ne fit qu'une exception, mais elle fut limitée dans le temps: Marc Allégret, qui fut pour lui une relation dans laquelle le désir et l'intelligence s'accordaient parfaitement, un amour qui rompit la relation faite de complicité au niveau de l'intelligence qui le liait à Madeleine. Le constat peut paraître sévère, il est le résultat d'une complicité entre les deux hommes qui " ne feignaient jamais", Herbart savait admirer, mais il le faisait sans se voiler la face au souvenir d'une personnalité qui le plus souvent échappait à l'analyse. Herbart termine son essai par un hommage rendu à l'immense écrivain qu'était Gide, à cette soif de liberté et d'engagement qui fut sienne et qui s'exprime à travers une oeuvre qui est le reflet de son évolution morale: " Ce qu'il possède en propre: une inlassable curiosité, servie par une absence totale de préjugés, de répugnances. Enfin le goût de l'excellence, qu'il saura aussi bien exiger de lui-même que reconnaître en autrui. Son oeuvre était la seule affaire sérieuse de son existence." (7) "Non seulement Gide  n'a pas permis à ses défauts de dégénérer, mais remontant obstinément leurs pentes, il a trouvé à chacun l'antidote que réclamait son oeuvre pour s'épanouir". (8)

* La photographie représente Herbart ( au centre) aux côtés de Gide lors du voyage en U.R.S.S.

(1) A la recherche d'André Gide  Pierre Herbart  LE PROMENEUR  "Le cabinet des lettres" GALLIMARD  14,94€  p. 24

(2) ibid. p.26

(3) ibid. p.40

(4) ibid. p.40

(5) ibid. p. 62

(6) ibid. p. 41

(7) ibid. p. 82

(8) ibid. p. 83

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