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Carnets d'automne
15 janvier 2013

"Les Tragiques" d'Agrippa d'Aubigné

Agrippa d'Aubigné 1

Quand Agrippa d'Aubigné écrit Les Tragiques*, la France est en pleine guerre de religion, une guerre cruelle, comme le sont toutes les guerres civiles. Protestant, d'Aubigné a échappé de justesse aux massacres de la St-Barthélémy organisés par le duc de Guise avec l'appui de Catherine de Médicis et de son fils Charles IX. C'est pour condamner cette horrible et sanglante persécution contre ses coréligionnaires que d'Aubigné se lance dans l'écriture de cet énorme poème de plus de 9000 vers en alexandrins. Jusqu'alors il n'avait écrit que des poèmes d'amour, inspirés par Ronsard et dédiés à Diane Salviati, nièce de  cette Cassandre Salviati que chanta Ronsard dans ses poèmes galants - la demeure des Salviati, le château de Talcy, près Beaugency, n'était guère éloignée de celle de d'Aubigné - mais l'horreur de la guerre civile allait en décider autrement. Les Tragiques, que l'on a souvent comparés à La Divine Comédie de Dante, se composent de sept livres qui, après une lente descente aux enfers qui ne nous épargne aucune cruauté des massacres qui ensanglantèrent la France des derniers Valois - on y lit la mort de l'amiral de Coligny, chef des protestants et première victime de la St-Barthélémy, dont le corps fut déchiré par la foule qui joua à la boule avec son tronc, on y voit des mères affamées dévorer à pleines dents leurs enfants, on y assiste aux pires tortures et aux crimes les plus horribles, décrits avec un réalisme effrayant qui nous rappelle les estampes de Jacques Callot, Les grandes et petites misères de la guerre - font appel à la vengeance et au jugement de Dieu, non sans que d'Aubigné ait auparavant, avec une audace que seule lui permettait son intimité avec Henri de Navarre, protestant et futur roi de France sous le nom d'Henri IV, du moins jusqu'à son abjuration de St-Denis, fustigé les derniers Valois, Charles IX, Henri III et surtout Catherine de Médicis, leur mère, que le poète n'hésite pas à qualifier de sorcière italienne malfaisante.

Callot 3

 1002589-Jacques_Callot_le_Supplice_de_la_roue

Les grandes misères de la guerre  Jacques Callot

Ce cri de douleur et d'indignation qui appelle la vengeance et le jugement de Dieu, est une oeuvre d'une puissance d'évocation et d'indignation d'une force exceptionnelle; écrite dans une langue d'une grande beauté, faite d'alexandrins rimés qui cadencent ce texte d'une puissance telle qu'elle vous marque à tout jamais, et ce d'autant plus que la violence qu'elle nous décrit est, hélas, toujours d'actualité, il suffit d'ouvrir les pages de son journal, ou d'allumer son téléviseur, pour se rendre compte que Les Tragiques, dans leur description des crimes produits par la guerre ou de la corruption des grands de ce monde, n'ont pas pris une ride.

"Les Tragiques"  Agrippa d'Aubigné.  Poésie/GALLIMARD  568p.

Le poème de d'Aubigné faisant appel à un grand nombre de textes bibliques, légendes, personnages ou évènements qui ne sont plus guère familiers au lecteur d'aujourd'hui, il s'agit de choisir une édition bien fournie en notes, ce qu'est celle présentée ici; l'introduction et les notes de Frank Lestringant, par ailleurs auteur de la magistrale biographie d'André Gide parue récemment, sont d'une richesse qui permet d'éclairer ce texte d'une lecture parfois difficile. 

 

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Commentaires
E
Un grand merci à vous et à votre travail ! Vous m'avez été d'une grande aide pour l'introduction de mon commentaire littéraire :)
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