Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Carnets d'automne
6 mars 2013

Dominique Fernandez, le stendhalien!

220px-Stendhal_Le-Rouge

Tout au long des pages de cet ouvrage consacré à Stendhal, c'est ce qui fait à la fois son charme et son intérêt, on sent l'empathie de Dominique Fernandez pour un auteur qui lui ressemble étonnamment: même passion pour l'Italie - agrégé d'italien, Fernandez a vécu à Naples, sa seconde patrie, et a écrit un grand nombre de livres sur l'Italie, l'art baroque, les castrats - passion partagée pour cet "espagnolisme" dont est imprégnée l'oeuvre de Stendhal, pour cette joie de vivre loin des conformismes bourgeois qui a fait de l'auteur du Rouge et le noir un être décalé de son époque, qui est celle de la Restauration des Bourbons, une sorte d'aristocrate révolutionnaire, oxymore qui dépeint parfaitement à la fois l'homme et l'écrivain qu'était Stendhal, passion pour sa recherche implacable de la "vérité", que ce fût dans ses jugements littéraires ou artistiques, une sincérité qui lui a permis de résister au temps et de lui attacher ces happy few, lecteurs fidèles, presqu'amoureux d'un homme et d'une oeuvre qui s'imposent, aujourd'hui plus que jamais, à une époque où l'individu le cède de plus en plus à la masse, la pensée originale à la convention! Si on oublie son obsession de l'homosexualité - péché mignon des gays qui aiment voir leur choix de vie partagé par le plus grand nombre, encore que ses tentatives d'y faire adhérer Stendhal ne soient pas entièrement injustifiées, son brillant exposé sur Armance, le premier roman de Stendhal, semble lui donner raison - Dominique Fernandez, dans ce dictionnaire que l'on feuillette en fonction de ses centres d'intérêt, c'est le genre qui l'impose, nous ouvre les portes d'un univers, celui de Stendhal, vu et conté d'une manière d'autant plus intéressante que son auteur est un fin connaisseur de l'oeuvre. Dans ce volumineux dictionnaire il est, entre autres, question de l'espagnolisme de Stendhal, de sa passion pour l'Italie: "Pourquoi a-t-il tant aimé l'Italie? Parce que en Italie ( croyait-il) on juge d'un livre, d'une musique, selon le plaisir qu'ils donnent, non selon l'idée qu'il faut en avoir.", des relations de Stendhal avec la politique - cet aristocrate de pensée aimait le peuple, mais se refusait à se frotter à sa grossièreté - de son indépendance dans ses choix artistiques qui font fi de toute convention, de son amour de la musique - toute la vie de Stendhal a tourné autour de la musique, qu'il considérait comme un accompagnement du chant, on connaît sa passion pour Cimarosa et Mozart, Fernandez, citant Stendhal, insiste sur cette passion basée principalement sur l'émotion : "Il n'y a de réel dans la musique que l'état où elle laisse l'âme". Le concept même de dictionnaire permet d'aborder tous les aspects d'une existence et d'un caractère qui restent encore, malgré la Vie de Henry Brulard et les Souvenirs d'égotisme, fort peu connus. Mais c'est à travers son oeuvre que l'on découvre le mieux les secrets de la vie d'un auteur, et Dominique Fernandez, par une critique très étendue de l'oeuvre de Stendhal, romans, nouvelles et récits de voyages, nous fait découvrir une existence et un caractère beaucoup plus complexes que ce que l'imagerie habituellement associée à Stendhal nous enseignait. Ainsi, c'est dans le personnage d'Octave, dans Armance, que Fernandez découvre ce qui fut longtemps le grand mystère de ce roman qu'on associe le plus souvent à l'impuissance sexuelle, de ce joli mot aujourd'hui disparu, le "babilanisme", c'est à dire l'homosexualité de Stendhal; c'est dans le Julien  du Rouge et le noir ou dans le Fabrice de la Chartreuse de Parme qu'il nous dévoile le double visage de Stendhal: Julien, de basse extraction, illustre le côté révolutionnaire, bonapartiste et ambitieux de Stendhal, Fabrice, le côté aristocratique, d'homme de salon amoureux des jolies femmes, du même, parfaite illustration des contradictions d'un homme qui rêvait d'une existence à la fois héroïque et brillante qui lui a toujours été refusée. Que ce fût quand il nous parle du style de Stendhal, que l'on a toujours défini comme"sec", de ses jugements sur l'art, que ce fût à propos de Canova, qu'il préférait à la sculpture

fernandez

grecque classique, du Dominiquin ou de Raphaël, qu'il jugeait de loin supérieurs au Titien, au Caravage ou à Michel-Ange, de Cimarosa, du bel canto - il adorait Rossini, et à la plus grande indignation de Dominique Fernandez, détestait et méprisait Bellini, l'auteur de la sublime Norma - ces indignations et ces commentaires parfois sévères de Dominique Fernandez, toujours imprégnés de cette indulgence que l'on ressent pour l'être admiré et aimé malgré ses faiblesses, font partie du charme de ce livre - Fernandez finit par reconstituer le personnage  Stendhal, à la fois l'homme, tel qu'il fut, avec cette liberté de pensée et de jugement qui le rend particulièrement sympathique, et l'auteur, qui s'est construit une oeuvre qui est en quelque sorte l'envers d'une existence terne, sans avenir, au fond ratée, l'homme qu'il se rêvait être s'étant incarné dans ses personnages. Le mérite de cet ouvrage plein d'empathie, d'enthousiasme et de curiosité passionnée pour son sujet, c'est qu'en le refermant on ne ressent plus qu'une envie, qui est de se replonger dans l'oeuvre de Stendhal, que ce fussent les romans lus au lycée dans l'enthousiasme de la jeunesse, ou les textes autobiographiques, récits de voyage ou nouvelles parcourus à  un âge plus avancé, désormais armés de ce précieux bagage que nous a confié Dominique Fernandez. 

" Dictionnaire amoureux de Stendhal"  Dominique Fernandez  PLON/GRASSET 813p. 25€

Publicité
Publicité
Commentaires
Carnets d'automne
Publicité
Archives
Albums Photos
Visiteurs
Depuis la création 114 452
Carnets d'automne
Publicité