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Carnets d'automne
23 août 2013

Emma Bovary, le personnage!

madame Bovary

Quand Flaubert, selon la tradition, et peu importe que cela soit apocryphe ou non, dit: " Emma Bovary, c'est moi", il souligne par ces paroles toute l'empathie qu'il ressent pour l'héroïne du roman qui reste, quoiqu'en disent les critiques contemporains qui lui préfèrent L'éducation sentimentale, son grand roman, celui qui l'a rendu célèbre et qui est lu aujourd'hui encore dans le monde entier. Madame Bovary domine un roman d'une grande unité, entièrement centré sur elle, au point que les personnages qui l'entourent sont le plus souvent des stéréotypes, des "caractères", tels que les décrivait un La Bruyère: Homais est le stéréotype du "bouffeur de curé", du libre-penseur de l'époque, Rodolphe, celui du dandy égoïste, machiste et radin, Léon, celui du jeune étudiant qui, sous des dehors de romantique, cache déjà une âme de petit-bourgeois, seule Emma est l'objet d'une description particulièrement raffinée, personnalisée à un degré tel, qu'il a fallu que Flaubert se sentît proche d'elle, sinon l'incarnation de sa propre personnalité. On parle souvent à propos du roman, du "bovarysme", cette maladie de l'âme qui se caractérise par une constante insatisfaction face à la vie, maladie dont souffre Emma, et qui la mènera à sa perte, mais réduire le personnage à ce qui ne constitue finalement qu'un aspect de sa personnalité, fût-il important, est particulièrement injuste, car Emma Bovary possède de grandes qualités, dont la moindre n'est pas cette quête de l'amour absolu, qui n'existe certes pas, mais qui sera la grande affaire de sa vie, et qui la brûlera, comme elle brûle, hélas trop souvent, tous les idéalistes en amour.Ce sera l'occasion pour Flaubert, et on en parle trop peu - les critiques littéraires ont longtemps été des hommes - de fustiger, avec beaucoup de cruauté, l'égoïsme des hommes, leur lâcheté, leur muflerie envers les femmes. Emma Bovary est belle, intelligente, mieux faite pour danser le quadrille sur les parquets cirés d'un château, que pour repriser les chaussettes du médiocre officier de médecine qu'est Charles Bovary, mais elle a eu la malchance de naître fille de fermier et d'épouser un homme falot; son malheur réside dans cet hiatus entre son ambition, liée à son intelligence et à sa beauté, et au conservatisme social de son temps. La lutte désespérée qu'elle entamera pour briser ces chaînes qui liaient trop de femmes de son temps à un état inférieur, suscite notre sympathie; sa passion amoureuse, son goût pour les plaisirs qu'offrent la vie, sa prodigalité, liée à une générosité sans faille, rendent particulièrement dramatique sa fin tragique, au point de nous émouvoir profondément. Emma Bovary restera, aux côtés d'une Anna Karénine ou d'une Eugénie Grandet, un des grands personnages féminins tragiques de la littérature du dix-neuvième siècle.

* Scène de l'"Emma Bovary" de Claude Chabrol.  

 

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