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Carnets d'automne
23 octobre 2013

Proust et Cocteau, une amitié ambiguë!

Proust
cocteau

 

 

 

Lorsqu'ils se rencontrèrent, vers 1909 ou 1910, ce fut le coup de foudre: Proust et Cocteau se découvrirent une gémellité qui, hélas, ne devait pas résister au temps. Proust, l'aîné - il avait vingt ans de plus que Cocteau -  fut ébloui par Cocteau, par une oeuvre poétique déjà importante, quand lui-même n'avait jusqu'alors publié que des "textes mondains", comme les décrivait la critique, et par son entregent de dandy fréquentant le Grand Monde. Ce fut une femme, la comtesse de Chevigné, le modèle de l'Oriane de Guermantes de "La Recherche", qui jeta une ombre sur cette amitié: elle ouvrait à Cocteau une porte qu'elle refusa à tout jamais à Proust, qui en était amoureux, et qu'elle détestait. La jalousie de Proust eut là l'occasion de s'épanouir à l'égal de celle qui devait constituer un des thèmes majeurs de "La Recherche". C'est toutefois le succès lent, mais progressif et ensuite foudroyant, de son immense roman, qui devait définitivement mettre fin à leur relation amicale: Cocteau admirait "La Recherche", dont il fut un des premiers lecteurs, et il la défendit, mais en même temps elle jetait le doute sur la qualité de son oeuvre à lui, une oeuvre polyphonique, qui ne parvint pas à être prise au sérieux par la critique. De plus,Cocteau vit dans "La Recherche" une sorte de trahison de l'homme qu'il connaissait, le Proust de la rue Hamelin ou du boulevard Haussmann, qui lui lisait, dans l'odeur entêtante des fumigations, des pages de l'oeuvre en cours, un ami à qui il reprocha ses travestissements, ses mensonges; mais la vraie raison de cette aigreur, c'était le rôle même de l'écrivain qui l'avait provoquée: Proust avait renoncé à la vie pour l'écriture, Cocteau avait préféré vivre! Soucieux d'être "moderne", Cocteau n'avait jamais eu, ni le courage, ni la patience, d'analyser son "moi intérieur". Le succès universel de "La Recherche" constitua désormais pour Cocteau comme un poignard dans le coeur, il l'admirait, mais se fit de plus en plus critique à son égard, fût-ce avec discrétion. Claude Arnaud, déjà auteur d'une biographie de Cocteau *, tente, dans les derniers chapitres de son passionnant essai consacré à cette amitié *, de défendre une oeuvre, presque tombée dans l'oubli, n'était-ce l'anniversaire salvateur du cinquantenaire de la mort de Cocteau, qui est l'occasion de lui donner un nouveau lustre, et ceci parfois au détriment de "La Recherche", dont Arnaud se garde bien de nier l'importance et la valeur, mais qu'il juge parfois avec une sévérité qui fera bondir les proustologues et tous les admirateurs du Grand Oeuvre que constitue "La Recherche".

* "Jean Cocteau" Claude Arnaud  BIOGRAPHIES nrf GALLIMARD  2003   864p. 35€

* Proust contre Cocteau" Claude Arnaud  GRASSET 2013 203p. 17€

 

 

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