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Carnets d'automne
25 juillet 2017

Madame d'Epinay

Née Louise Florence Pétronille Tardieu d'Esclavelles, dans une ancienne noblesse de province, cette "fille de condition" devait, à l'encontre de la volonté de sa famille, indignée de cette mésalliance avec une famille de financiers, épouser, à peine âgée de  quinze ans, le fils d'un riche Fermier Général, Monsieur Lalive de Bellegarde. Ce fils, un jeune débauché, Denis Lalive d'Epinay, joueur, coureur de jupons, dépensier, devait faire le malheur de sa jeune épousée, qui rêvait d'un mariage où les époux seraient intimement liés dans une fidélité inébranlable, ce qui, dans la société de l'époque, était une illusion.Il lui faudra du temps pour découvrir le vrai caractère de cet époux qu'elle aime, contre vents et marées, et suite aux infidélités de celui-ci, à ses dépenses irresponsables, au cynisme dont il fait preuve dans ses relations avec sa jeune épouse, elle finira par s'en séparer. Désormais libre et fortunée, elle se retire dans le château de "La Chevrette" pour y tenir, à l'égal d'une Madame Geoffrin ou d'une marquise du Deffand, un salon qui attire très vite les philosophes, un Diderot, un d'Alembert, un d'Holbach, et plus tard Jean-Jacques Rousseau, qu'elle logera dans une annexe de la propriété, l'"Hermitage". L'amitié de ce dernier pour Louise sera assombrie par sa passion pour la belle-soeur de celle-ci, Madame d'Houdetot, qui provoquera l'ire de la châtelaine de "La Chevrette", et une dispute qui deviendra célèbre grâce aux "Confessions" de Rousseau.

Madame d'Epinay a reçu l'éducation que l'on réservait aux jeunes filles de sa classe sociale, c'est à dire presque rien, un peu de musique, du dessin et de la danse. Pour le reste, elle devait attendre l'homme qu'on lui réservait pour époux, et se résoudre à être totalement, à la fois son ornement et son sujet. Louise d'Epinay en vivra les conséquences désastreuses dans son couple. Mais c'est une femme intelligente, qui s'entoure d'hommes éclairés, qui l'ouvrent aux "Lumières". Consciente de la position de faiblesse de son sexe dans une société qui ne le  considère que comme un ornement, elle va prendre en main son destin, s'affirmer, et comment le faire mieux que par l'écriture, un geste hautement réprouvé par son monde. Elle se lance donc dans l'écriture d'un énorme roman - on discute encore aujourd'hui entre spécialistes pour savoir s'il s'agit d'une autobiographie ou d'un roman -  "Les Contre-confessions, ou l'Histoire de Madame de Montbrillant". Un roman à clefs, qui dissimule les personnages réels sous des noms d'emprunt, roman épistolier, qui lui permet de raconter sa vie sous les traits d'Emilie de Montbrillant.  Roman sans concession, cruel, qui dévoile le cynisme d'une société dans laquelle la femme n'est qu'un bel objet de parade, un roman très proche d'une oeuvre contemporaine " Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos. On y découvre l'envers de ce "Siècle des Lumières" qu'on vante pour son esprit et pour son ouverture à la liberté de pensée. Emilie de Montbrillant, alias Louise d'Epinay, sera cette femme révoltée par les conditions honteuses réservées à son sexe, qui ne verra la délivrance que dans la pensée, l'étude, et l'écriture. Ellese révèlera, par son style d'une grande élégance et par la profondeur de sa vision de la société, une écrivaine d'un immense talent. Sa condition de femme, qui la condamnait à l'incognito - son oeuvre ne sera publiée que plus de trente-cinq ans après sa mort - ne lui permettra pas de connaître la célébrité de Choderlos de Laclos. 

Le titre "Les Contre-confessions" fait évidemment allusion aux "Confessions" de Rousseau, ouvrage dans lequel ce dernier raconte sa longue dispute et sa rupture avec Madame d'Epinay et son cercle d'amis. Une version qui scandalisa son amie. Encouragée par son amant, Grimm, incapable d'interdire la lecture du livre de Rousseau, elle voulut donner sa version de cette célèbre dispute. Ce qui n'était pas le but premier de son roman, on croit même que ce furent Grimm et Diderot, eux-mêmes en rupture avec Rousseau,  qui la poussèrent à l'y introduire - on soupçonne même Grimm d'avoir collaboré à la dernière partie du roman, à y avoir introduit son venin contre Rousseau- un évènement finalement secondaire dans le roman, mais qui aida à en faire la célébrité.

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"Les Contre-Confessions Histoire de Madame de Montbrillant"

MADAME D'EPINAY

Mercure de France Le Temps retrouvé

1650 pages

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