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Carnets d'automne
30 décembre 2018

Proust impressionniste!

C'est à la fin du premier chapitre de « A l'ombre des jeunes filles en fleurs », intitulé «  « Autour de Madame Swann », que l'on trouve, au niveau du style, les plus belles pages de Proust. Elles se situent juste après que le narrateur ait mis fin à ses amours compliquées avec Gilberte Swann - c'est là que bien souvent abandonnent leur lecture les néophytes en proustie, qui ignorent que les intermittences du coeur et le passage du temps constituent les deux piliers sur lesquels repose la cathédrale que constitue « A la recherche du temps perdu » - et qu'il se soit épris de sa mère, Odette Swann, qui fut, sous le nom d'Odette de Crécy, une cocotte de haut vol, qui compta parmi ses nombreux amants le mondain Charles Swann, qui finit par l'épouser.

Un amour platonique et esthétique du narrateur qui nous vaut des pages merveilleuses dans lesquelles il nous décrit les sorties d'Odette au Bois de Boulogne, alors lieu de promenade du Grand Monde avant le déjeuner, à pied, entourée de son mari et du narrateur, ou mollement étendue dans sa grande victoria à huit ressorts, saluant, d'un léger geste de la tête, les hommes qui lui tirent leur haut-de- forme en s'inclinant, en hommage à sa beauté, hommes du plus grand monde aristocratique - le Prince de Sagan, le marquis de Castellane - qui pour la plupart furent ses amants, mais qui se refuseraient à la présenter à leurs épouses. C'est l'occasion pour Proust de décrire, avec une précision digne d'un grand couturier, les superbes toilettes d'Odette, les étoffes dont elles sont faites, crêpe de Chine, taffetas, soie, leurs couleurs, rouge ou orange, rose, bleu lilas ou gorge-de-pigeon, le jeu de la lumière du jour qui leur donne de l'éclat, ses petits chapeaux surmontés d'une plume toute droite, la beauté de la végétation et du ciel chargé de nuages ou d'un beau bleu azur qui servent d'écrin à la déesse du jour ; c'est le moment où Proust se rapproche le plus des peintres impressionnistes, ses contemporains, un Degas, un Manet ou un Renoir.

Le chapitre se termine sur une de ces belles phrases chargées de couleurs et de lumière, dont Proust a le secret : «  ...le plaisir que j'éprouve , chaque fois que je veux lire, en une sorte de cadran solaire, les minutes qu'il y a entre midi un quart et une heure, au mois de mai, à me revoir causant ainsi avec Mme Swann, sous son ombrelle, comme sous le reflet d'un berceau de glycines ».

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