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Carnets d'automne
16 avril 2012

Proust à Tbilissi!

C'est pour la énième fois, et sans jamais m'en lasser, que j'ai visionné hier soir le film de Julie Bertucelli, Depuis qu'Otar est parti. Ce film, grâce, mais pas uniquement, au rôle principal tenu par la délicieuse Esther Gorintin, émouvante et drôle à la fois, est un grand moment d'émotion, de finesse psychologique et d'empathie pour trois femmes cloîtrées dans un pays, la Géorgie, et dans une ville, Tbilissi, qui portent encore toutes les marques de plus de cinquante ans de stalinisme. Eka, la grand-mère, vit avec sa fille et sa petite-fille dans un de ces abominables immeubles construits sous le communisme; le seul bonheur d'Eka, ce sont les lettres de son fils Otar, médecin formé à l'université de Moscou qui a émigré à Paris où il survit de petits métiers minables. Un de ceux-ci sera la cause de sa mort accidentelle, que ni la fille d'Eka, ni sa petite-fille n'osent lui annoncer. Elles vont poursuivre une correspondance fantôme jusqu'au jour où, ayant vendu sa riche bibliothèque de littérature française, Eka les emmène à Paris pour retrouver Otar. Elle y apprendra sa mort d'une façon brutale par un voisin de son fils; le visage d'Esther Gorintin, marqué par la douleur et par la dignité devant la mort, est une image inoubliable, d'une grande intensité émotionnelle. Un moment rare de tout grand cinéma! Mais ce film, au-delà de l'émotion et de l'empathie pour ces personnages tellement tendres et émouvants, est aussi un hommage à la culture, qu'elle fût littéraire, musicale ou qu'elle concernât toute autre forme d'art. Eka est en effet une grande admiratrice de littérature française, elle parle parfaitement le français, comme sa fille et sa petite-fille, et de son père elle a hérité une riche collection, luxueusement reliée, des grands auteurs classiques de la littérature française, qui est son plus précieux trésor, qu'elle n'hésitera pourtant pas à vendre pour revoir son fils. Le soir, elle se fait lire par sa petite-fille, Du côté de chez Swann de Proust en version française originale. Cette passion littéraire lui permet de survivre dans cette ville triste, ravagée par le pouvoir communiste, c'est comme une bouffée d'oxygène qui les maintient en vie, toutes les trois. Le message du film est clair: la culture, qu'elle fût française, anglaise ou de toute autre partie du monde, transcende les frontières nationales, tisse entre les hommes, fussent-ils étrangers, des liens étroits et mystérieux, faits de compréhension et d'ouverture à l'autre, qui ont pour racine la passion et l'amour pour tout ce qui est beau et intelligent. C'est un message d'un optimisme bienfaisant pour nous qui vivons dans une société altérée par le consumérisme et le fanatisme religieux.

Depuis qu'Otar est parti

Depuis qu'Otar est parti  de Julie Bertucelli,  avec Esther Gorintin, Nino Khomassouridze et Dinara Droukarova   DVD Editions Montparnasse

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