A propos des "Ambassadeurs"

En hiver, surtout par un temps polaire, tel celui que nous vivons en ce moment, j'aime, confortablement installé près de la cheminée, une théière de thé de Chine à portée de main, lire de gros romans, gros en nombre de pages s'entend, comme un Guerre et Paix ou un A la recherche du temps perdu ou une Montagne magique, mon roman-culte; voilà pourquoi j'ai entamé hier une relecture des Ambassadeurs de Henry James. Contrairement à la plupart des grands romanciers américains, un Dos Passos, un Hemingway ou un Kerouac, qui sont des peintres de fresques, d'épopées qui ont la grandeur des vastes espaces américains, James est un miniaturiste, influencé par la littérature de cette Europe où il s'était très tôt installé, à Paris d'abord, à Londres ensuite. Arrivé sur le Vieux Continent armé des certitudes de l'Américain vertueux, attaché à la démocratie, pour lui exemplaire, établie par les Pères Fondateurs, il considérait l'Europe comme décadente, l'associait au vice, et en craignait l'influence sur les Américains; ce sera l'obsession de toute sa vie et de toute son oeuvre. Fasciné par la sophistication d'une société européenne vieille de plus de deux millénaires, il tentera d'en percer tous les mystères, de la confronter avec la simplicité laborieuse et vertueuse d'une société américaine sûre d'elle-même. Dans Les Ambassadeurs, c'est une riche veuve américaine qui envoie son ami tenter de ramener au pays natal, où l'attend un confortable fauteuil de dirigeant d'une grande entreprise familiale, un fils qui vit à Paris dans les bras d'une belle aristocrate française qu'il n'a pas l'intention de quitter. Les tentatives de le faire revenir constitueront le sujet du roman. Peu d'action donc, mais une incroyable partie d'échecs où tout se joue sur d'infimes détails; un chef-d'oeuvre de sophistication!  Un régal pour le lecteur qui aime se perdre dans les labyrinthes!