Godard par Antoine de Baecque (suite)

Le Mépris est le premier film de Godard à grand budget. Inspiré d'un roman éponyme de Moravia - il est curieux que les films tirés des romans de Moravia soient bien souvent supérieurs aux romans - c'est un film sur le cinéma, avec la participation en personne de Fritz Lang, et sur le déchirement d'un couple, celui de Camille et Paul dans le film, celui de Godard et d'Anna Karina dans la vie réelle. Film aux images d'une beauté époustouflante, dans ses prises de vue et dans l'harmonie de ses couleurs, absolument superbes; il est ainsi  des images inoubliables, notamment celle du premier plan, celui qui nous montre Brigitte Bardot nue en présence de Michel Piccoli, que les critiques ont considérée comme la plus belle scène d'amour du cinéma. Le plus amusant, c'est que cette scène de nu fut imposée par les producteurs qui voulaient un retour à la somme énorme qu'ils avaient dépensée pour y faire jouer Brigitte Bardot, Godard parvint à contourner l'obstacle: en lieu et place des trois scènes de nu exigées, il les rassembla en une seule, plongée dans un magnifique arc-en-ciel bleu, blanc et rouge, d'où résulta cette scène d'une grande beauté; puis il y a l'étrange demeure de Malaparte, bloc de ciment rouge, au toit en escalier, perché sur un rocher qui domine la mer d'un bleu profond dans laquelle plongent les rochers de Capri. Et enfin, il y a la musique de Georges Delerue, obsédante musique mélancolique qui participe à la beauté de ce film. Le plus grand mérite de Godard, sur le plan de l'interprétation des acteurs, c'est d'avoir fait de Bardot, jusqu'alors considérée comme une starlette, une vraie star, car dans ce film, étrangement absente, presqu'apathique, avec de brusques moments de colère, et de sa voix tellement particulière, elle fait preuve d'une étonnante présence. Et tandis que le mot FIN apparaît sur l'écran du téléviseur sur un fond de ciel d'un bleu  tel qu'on ne peut le voir qu'au-dessus de Capri, ici la neige se remet à tomber!