Morand le maudit?
On a beaucoup parlé, principalement à propos de son Journal inutile, de l'antisémitisme et de l'homophobie de Paul Morand, ajoutons à cela son passé de collaboration avec Vichy, et voilà l'écrivain maudit à tout jamais. Certes, on ne peut accepter ni l'antisémitisme, fût-il mondain comme il l'était dans le milieu élégant du Tout-Paris de l'entre-deux guerres que fréquentait Morand, ni l'homophobie, ils sont inexcusables et inexcusés à tout jamais.Se pose la lancinante question, jamais solutionnée, des rapports entre l'oeuvre et son auteur: faut-il séparer l'une de l'autre, sauver l'oeuvre en condamnant l'homme? Paul Morand n'est pas le seul dans ce cas, Céline, Jouhandeau, Guitry sentent le soufre, eux aussi, leurs actes furent condamnés par la justice, ce qui n'a pas empêché leur oeuvre d'entrer à tout jamais dans l'Olympe de la grande littérature. Je crois qu'il faut, en lisant Morand, ne jamais oublier les graves erreurs de jugement ou d'appréciation, pour ne pas dire de moralité, qu'il a commises, mais cela ne doit pas nous empêcher, si on n'aime pas l'homme, d'admirer l'écrivain, de juger ce dernier avec lucidité et sans pitié, d'apprécier son oeuvre avec toute l'admiration qu'elle mérite.