Jean-Jacques Rousseau, ennemi des arts et des sciences?

Ce fut son premier texte littéraire; le Discours sur les sciences et les arts, vit, comme il le dira lui-même plus tard, la conversion de Rousseau à l'écriture. Ce discours répondait à un concours de l'Académie de Dijon sur le thème: " Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs?". Que Rousseau y condamnât les arts et les sciences peut choquer le lecteur d'aujourd'hui, même si Rousseau, treize ans après la parution de ce texte en 1750, en renia la qualité et les propos dans une préface ajoutée lors d'une édition plus tardive, en 1763. Mais Rousseau y condamne t-il vraiment les arts et la science - il y fait assez paradoxalement l'éloge de Newton - ou ne serait-ce plutôt pas la civilisation du "Siècle des Lumières" qu'il voue aux gémonies, la mollesse qu'engendre une civilisation marquée par un excès de politesse et de raffinement mondain, par la superficialité des rapports humains et de la littérature, qu'elle fût théatrale ou poétique; ne fleure t-on pas dans ce texte ce "bon sauvage" qui sera le modèle de l'oeuvre de la maturité? Ce texte ne constituerait-il pas une première attaque, indirecte, contre celui qui deviendra, mais plus tard, son grand adversaire: Voltaire? Le châtelain de Ferney représente pour Rousseau tout ce qu'il déteste: la fréquentation des grands de ce monde, la mondanité, la richesse du grand bourgeois et du financier, l'esprit - Rousseau  est totalement dépourvu d'esprit de répartie - l'élégance littéraire, trop souvent superficielle? Ce premier texte connu de Rousseau, qui va beaucoup plus loin que le thème imposé, est intéressant à plus d'un titre parce qu'on y voit apparaître non seulement le thème de l'homme libéré des contraintes sociales que lui imposent la société, mais cet axiome essentiel dans sa philosophie: que tout doit céder, y compris les sciences et les arts, à la vertu et à la vérité. C'est dans cet esprit qu'il convient de le lire.

Voltaire par Largillière                                                                    Jean-Jacques Rousseau

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